Entretien avec Vincent Goethals
Vous arrivez à Bussang avec le projet de faire, chaque année, une commande d’écriture à un auteur. Cela fait déjà un certain nombre d’années que j’ai découvert le plaisir et la nécessité de travailler en direct avec les auteurs vivants. C'est-à-dire, oser le pari de la commande d’écriture, avec tous les risques que cela comporte, dans une complicité et un véritable échange. OEuvrer ensemble, écrivain et metteur en scène, sur l’élaboration et la maturation de la pièce en gestation. Ce que j’aime dans ce travail en étroite collaboration avec l’écrivain – et c’est le même plaisir que j’ai avec le scénographe, la costumière ou les créateurs son et lumière - c’est de profiter du savoir-faire d’un autre artiste, de laisser nos imaginaires respectifs se « frictionner » et s’entremêler, afin que l’oeuvre globale prenne finalement plus de couleur, d’épaisseur et d’âme.
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Est-ce que Caillasses vous a plu tout de suite ? Laurent Gaudé m’a envoyé assez vite le premier acte qui m’a immédiatement emballé par la puissance de la langue, la force émotionnelle du récit et cet art impressionnant qu’il a de convoquer l’imaginaire. J’aime la manière dont, en une seule et très grande première scène, il pose d’emblée et de manière éminemment théâtrale les enjeux de toute la pièce. Après quelques mois, sur mon insistance, parce que je devais réfléchir à la scénographie avec Jean-Pierre Demas, Laurent Gaudé m’a donné une première version de l’ensemble des quatre actes. A la première lecture, j’ai ressenti une sorte de trouble, comme le vertige du metteur en scène face à un objet théâtral tellement original et inclassable… Laurent Gaudé a d’ailleurs pris mes premiers commentaires pour de la déception, alors que tout simplement il me fallait un peu de temps pour apprivoiser ce récit et surtout comprendre l’étendue des possibles qui s’offrait à moi, en tant que metteur en scène. En effet, il parle « d’épopée contemporaine », et je dirais, quant à moi, que « Caillasses » est un véritable oratorio dans lequel Laurent Gaudé revisite à la fois la nature profonde du choeur antique, mais où également, il opère un glissement dans le langage-même des personnages entre le discours direct et le mode narratif. Ceci n’est pas sans poser quelques problèmes dans la manière d’envisager la direction d’acteurs, mais annonce pour l’avenir un travail tout à fait passionnant de recherche d’une forme théâtrale différente et, je l’espère, envoûtante. Est-ce la première fois que vous travaillez en mélangeant acteurs professionnels et acteurs amateurs ? Non, non, il m’est déjà arrivé dans plusieurs pièces d’intégrer des comédiens amateurs - je pense, par exemple, au « Pont de pierres et la Peau d’images » de Daniel Danis que j’ai créé au Grand Bleu à Lille, et dans laquelle intervenait une quinzaine d’adolescents ; mais aussi, plus récemment, à une création que j’ai faite au Rideau de Bruxelles « Le cocu magnifique » de Fernand Crommelynck. A l’origine, dix élèves comédiens, issus du Conservatoire Royal de Mons, ont participé à la création au côté des acteurs professionnels. Puis, tout au long de la tournée, j’ai poursuivi cette démarche en formant des comédiens amateurs locaux dans chacune des villes qui nous accueillait. Cette expérience a vraiment été enrichissante. Pour les acteurs professionnels d’abord, qui ont eu un plaisir immense de découvrir, à chaque étape, de nouveaux partenaires. Mais aussi pour les théâtres eux-mêmes, qui ont pu bénéficier d’un travail d’action artistique et culturelle ambitieux sur leur territoire avec des acteurs locaux enthousiastes et fédérateurs. C’est au cours de cette tournée - mais le hasard n’existe pas - que le poste de directeur du Théâtre du Peuple s’est libéré…et que j’ai imaginé « exporter » le fameux spectacle de l’après-midi de Bussang, dans d’autres villes, avec chaque fois de nouveaux amateurs…Merci à Paul Emile Fourny et Jacky Castang d’avoir relevé le défi, et de nous accueillir à Metz et Thaon-les-Vosges, pour quelques représentations de « Caillasses », à l’automne prochain ! |
Comment imaginez-vous la mise en scène de Caillasses ? Propos recueillis par Isabelle Lusignan
Issu de l’Ecole Nationale Supérieure d’Art Dramatique de Lille, il crée en 1988 la compagnie Théâtre en Scène qui présente ses premiers spectacles (Horowitz, Pirandello, Klauss Mann) qu’il joue et met en scène. |