Quelques traces laissées par nos artistes de passage...
Décembre
Je marche dans un champs enneigé - c'est l'hiver -, ça trace un chemin de mots précaires comme autant de pas dans la vaste étendue blanche. Le pied est mal assuré, tantôt trop lourd, tantôt trop léger. Je dois trouver l'équilibre. Le paysage enneigé a sa propre fréquence, un son qui n'appartient qu'à lui, un silence étouffé. La neige, l'hiver, la montagne, ça me fait toujours pensé à Robert Walser :
« La neige crissait sous ses pas. Les sapins en étaient si chargés qu'ils laissaient magnifiquement leurs branches se ployer jusqu'au sol. Parvenu à peu près au milieu de son ascension, Simon vit brusquement un jeune homme couché dans la neige en travers du chemin. Il y avait encore assez de clarté dans la forêt pour qu'il vit distinctement le dormeur. » (Les enfants Tanner)
Le Théâtre du Peuple : l'Utopie théâtrale. Comment on vit en utopie ? Comment on contribue à faire vivre une utopie ? Ma semaine consiste en un millier de petits gestes anodins. Ouvrir le livre. Le fermer. Se laisser surprendre. Se lasser. Aimer, imaginer, être découragée, s'enthousiasmer. Penser : construire un atelier pour les des amateurs, rencontre, partage. Prendre des notes, faire des listes, faire des plans. Puis faire le contraire de ce qu'on avait prévu. Aimer, imaginer, être découragée, s'enthousiasmer.
« Utopie : conception imaginaire d'un gouvernement, d'une société idéale. Par extension, se dit d'une Chimère, de la conception d'un idéal irréalisable. »
« Irréalisable ? » Ça commence mal. Je garde « une Chimère idéale » quelque part dans ma tête.
L'hiver, l'humidité et le ciel qui ne se lève pas. Le ciel blanc, la brume comme un calque sur le paysage. Les nappes de brouillard qui descendent des hauteurs et viennent se plaquer dans les creux. Embrassent les sapins. C'est triste et beau. Ça invite au retrait. Le paysage entier me hurle silencieusement : rentre tout de suite dans ta tanière. Alors je fais ça. Je lis comme on fait des provisions, j'avale autant que je peux. Quand le printemps reviendra il faudra que tous ces mots puissent devenir des idées, des mouvements, des actions...
Des fois, on rencontre des gens qui pensent que dans nos métiers, tout est passionnant. Intense. Des fois, oui, c'est vrai. Mais la passion c'est plus un instant qu'une durée... une heure de passion, un jour passionnant, un semaine, peut-être ?
Je cherche l'étymologie du mot « passion » : « en latin, le mot passio signifie « souffrance ». On remarque le même radical que pour le mot grec pathos, de même sens. »
Je ne m'attendais pas à cela. Je tends le mot, comme un fil entre les temps : souffrance, maladie ? soumission ? addiction ? plaisir/douleur/plaisir/douleur/plaisir/douleur ? amour ? extase ? Passion...
De quoi c'est fait la passion de théâtre ? Ouvrir un livre, le fermer, prendre des notes, allonger la liste de tout ce qu'on a pas encore eu le temps de faire, faire des plans, penser à des images, des émotions, penser à ce qui compose le vivant. Faire le contraire de ce qu'on avait prévu (encore). Réfléchir, inventer, parler, sur-ligner, écouter. Un milliers de petits gestes anodins, qu'on s'efforce de soigner, de rendre denses tout en les gardant légers.
Cette semaine se clôture avec une soirée de lecture Jeune homme cherche mangrove pour grande histoire, un montage de texte écrit par Paul Francesconi. Les mots de Paul sont écrit dans un autre air. Il vient de la Réunion. Et je trouve que ça se sent dans chaque mot. Le soleil. La mer. La moiteur. Se plonger dans cette écriture là en plein hiver Vosgien...c'est encore plus réconfortant qu'une bouillotte ou une tasse de vin chaud.
Janvier
Mercredi, le vent soufflait fort. Je suis allée voir le grand hêtre. Son nom latin c’est Fagus. Pour les scientifique c’est donc Fagus Sylvatica. On l’appelle aussi foutel, fouteau, faye, foyard, fau, faon, fayard, fayaud, favinier, faou… selon les régions. En ancien français on l'appelait « fou ». Quand je pense à tout ce que tu as vu et entendu depuis le temps que tu es là, ça me donne le vertige. Fou est un grand sage. Immobile à l’oeil et fourmillant de vie. Je lis : « il résiste bien aux froids rigoureux, mais il est très sensible aux gelées de printemps. » Je t’imagine bien, tout l’hiver, fort face à la pluie (qui est capable de tomber à l’horizontal ici). Digne sous la neige. Majestueux dans le vent. Et puis vient le printemps. Alors que l’air commence à se radoucir, que quelques fleurs déjà, que ton coeur attendrit… Te voilà tout prêt à enlever ton manteau et à étendre tes branches sous les premiers soleil… Et c’est là, le risque pour toi, cher fou. Cette année je viendrai te rappeler de prendre ton temps. De ne pas te hâter à sortir de l’hiver.
Mercredi, le vent soufflait fort. J’ai fait quelques pas sur le plateau du théâtre. Cela claquait dans les bois, assourdissant. Cela tempêtait, hurlait, c’était bateau retourné sur mer déchaînée. Je regardais sans comprendre : l’image était reposée. Je me suis assise.
Tout est immobile sous mes yeux. Le cadre de scène, le plateau, les bancs, les ponts, les poutres : rien ne bouge… Mais le son virevolte partout, rapide, hurlant. Parfois je sursaute. Il y a le vertigineux mouvement et la totale immobilité. Le silence et le vacarme. La violence et le calme. Deux opposés réunis, dans un moment. Sans qu’aucun vienne prendre le pas sur l’autre. On penserait - à première vue - qu’il est impensable qu’ils cohabitent, les contraires s’annulent, apprend-on à l’école. Mais non. Pas ici. Pas dans le ventre du théâtre. La scène, c’est cet endroit magique où la co-existence des opposés devient visible. Il n’est pas besoin de comprendre, il suffit de vivre. Dans ce vacarme serein, dans ce mouvement frénétique et immobile, ma propre colère s’est évanouie.
Février
Les ateliers ont commencé. Les participants sont nombreux et enthousiastes. Je suis frappée par la générosité avec laquelle ils et elles se jettent au plateau. Ça me touche. Je suis accueillie avec chaleur et gentillesse. Ici, le vent souffle fort, la pluie est capable de tomber à l’horizontale, les regards sont doux. Ici, les nuages sont bas, le manteau gris recouvre tout, il fait froid. Oui. Mais ici, on est plus près du ciel.
Je commence des recherches sur Tante Cam. Comme Fagus, elle a beaucoup de noms. Camille de Saint Maurice, Georgette Camée, Camille Pottecher, Tante Cam. Elle est dans les souvenirs de beaucoup, elle est citée régulièrement. Mais je ne trouve rien de « concret ». Je veux dire, pas de textes ni de lettres, peu de témoignages. Je lis qu’elle a été une véritable exploratrice du théâtre symboliste, qu’elle a proposé une recherche tout à fait expérimentale. Je lis qu’elle « ne prenait pas possession d’un rôle, mais d’une oeuvre ». Ça me plait.
Je lis des articles qui parle des effets qu’elle a produits sur les autres, ce qu'elle a « imprimé », le style de jeu, la voix, elle a dirigé et formé plusieurs générations d’acteurs bussenets. Il semble qu’elle ait conservé un certain rapport au symbolisme, qu’elle préférait travailler la voix, le chant de la voix plutôt que de chercher un rapport réaliste ou naturaliste. Il va falloir continuer de creuser. En attendant, je me contenterai de l’écouter :
Mars
J'arrive à l'automne. Tout est nouveau. Je regarde autour en essayant d'imprimer nettement sur la rétine, les premières sensations. Je veux qu'elles laissent leur empreinte. L'imposante bâtisse m'impressionne. Je dévore les paysages. J'apprend les brumes. L'hiver se passe. Nous travaillons à l'été. Le ciel est blanc. L'eau suinte de partout, de la terre au ciel. Assise dans la grande salle je me sens minuscule. J'essaye de me fondre dans le décors. J'écoute le vent. Ce théâtre de bois, il frémit. Je n'avais jamais rencontré des murs comme ceux-là. Les murs que j'ai connu jusqu'à présent enferment l'extérieur au dehors. Ici non. Ces murs font résonner l'extérieur au dedans. On devrait peut-être leur donner un autre nom comme membrane, ou peau.
L'automne et l'hiver, j'essaye d'imaginer ce que ce sera, vous tou.te.s dedans. Le spectacle. La fête de théâtre, l'été.
Maintenant c'est le printemps et ce que nous préparons depuis de nombreux mois passera bientôt de l'ombre à lumière.
Avril
Prière à l'arbre
Mon sang contre ta sève.
Déforme mes jambes, qu'elles deviennent racines.
Étire mes bras, qu'ils soient branches.
De chaque doigt un fin rameau.
Que les feuilles me poussent, ongles verts vernis.
Que ma peau se couvre d'écorce.
Que cette écorce se pare de mousse.
Que cette mousse soit un abri pour ce qui vit de plus petit sur terre.
Charge-moi de fruits ou de fleurs, comme il te plaira.
Fais-moi immense et dure.
Et fière et tendre.
Bouche pleine de terre.
Mes mots, des craquements ou la brise encore.
De mon coeur rien qu'un frémissement.
Panse mes blessures.
Branches tombées trop tôt ou trop tard.
Je regarde celle, autrefois fragile,
Désormais la plus forte, drapée d'une massue de bois.
Dangereuse. Énorme.
Panse comme tu sais le faire.
Englouti, entoure, enserre.
Et prends aussi mes cheveux.
Qu'ils deviennent feuillage,
chahutés par la brise,
battus par les vents,
dégoulinants de pluie,
Fais-en ce que tu veux.
Mais fais moi arbre.
Que j'apprenne le temps et les saisons,
que mes pensées durent,
que mon coeur se taise.
Prête moi tes tourments et tes joies,
Donne moi, tempête ou soleil,
Mais fais moi arbre.
Alors lentement,
je grandirai pour embrasser le ciel et la terre
sans plus jamais chercher à les saisir.
DU 5 AU 16 FÉVRIER 2024
RÉSIDENCE DE CRÉATION PEAU DE LOUVE
« Bussang, le théâtre, celui du peuple, les Vosges, la pluie, les mousses antiques de Monsieur Pottecher sur les arbres, l'épaisseur du silence, en bonne compagnie, celle d'Iréal et sa jeune Louve !
On se souviendra du tremblement de terre après minuit, comme le passage furtif du Dragon qui donne la mesure du choc que j'ai ressenti dans ce théâtre époustouflant !
Merci pour l'accueil en cette contrée comme un diamant brut, au pays des assemblées du rêve à voix haute ! Héloïse, Julie et Julie, Alban et Boris l'ami pour ce séjour crépitant d'intelligence et de saveurs. Ce passage chez vous gens du théâtre, nous aura mis au défi de pister cette parole conteuse, en adresse direct au public, comme un dépouillement, une danse sauvage, une confidence...
Quitter la parole par cœur pour entrer dans la parole par le cœur ! Je vous souhaite de joyeuses aventures à venir à vous et à plus tard ! Car comme dans toutes les histoires, c'est à la fin que tout commence ! »
M.P. (Myriam Pellicane, œil extérieur)
« Cette trace est une réflexion à voix haute. Elle n’a pas été écrite, elle est une expérience pour un moment du spectacle Peau de Louve. Pendant 5 minutes, je me lance dans une parole dont la seule chose que je maîtrise est l’incipit : « Je voulais vous parler du sauvage ». J’essaye de partager le fil de ma pensée, sans me censurer, ni en rajouter. »
Mathilde Arnaud
du 18 au 22 décembre
PREMIÈRE SEMAINE
Première semaine de dramaturgie sur le Conte d'Hiver, de Shakespeare, dans la traduction de Bernard-Marie Koltès. Nous sommes à Bussang, dans le bureau de Julie (metteuse en scène et directrice), avec Clémence (scénographe et costumière), Gwenaëlle (assistante à la mise en scène) et moi (dramaturge).
Julie nous dit d'emblée que la traduction l'intéresse autant que la pièce de Shakespeare... ce n'est pas n'importe quelle traduction, ce n'est probablement pas la plus fidèle... C'est la traduction d'un auteur. Le texte est donc la rencontre entre William Shakespeare (1564-1616) et Bernard-Marie Koltès (1948-1989).
On parle du titre. Le rapport au conte, au fantastique... plusieurs éléments de cet ordre-là dans la pièce. Julie dit : « c'est Léontes qui amène l'hiver. Pendant tout le premier acte, il faut que le spectateur soit dans la tête de Léontes ». Léontes, c'est le roi prit de jalousie, qui devient fou et entraîne tout le monde dans sa folie.
Certains critiques parlent de la pièce comme d'une tragi-comédie. La première partie est extrêmement sombre, puis à la fin de l'acte III, une scène de comédie, presque burlesque... on voyage de scènes comiques en scènes tragiques... Julie nous parle de trouver le juste rapport à l'humour : il ne s'agit jamais de se moquer des personnages, l'humour arrive à l'intérieur du tragique. Je pense à une phrase de Faulkner dans Tandis que j'agonise : « On dirait une parodie burlesque de tous les dénuements coulant sur un visage sculpté par un caricaturiste impitoyable. »
Elle dit aussi : « c'est une pièce sur la vérité. »
Clémence nous présente ses premières pistes de recherche pour les costumes. C'est un véritable casse-tête car il y a plusieurs dizaines de silhouette à réaliser. Le costume doit permettre de différencier très simplement et immédiatement les membres du royaume de Bohème et ceux du royaume de Sicile. Elle nous montre des images de Peau d'âne, de Jacques Demy, des tableau du XVIe siècle, et des choses très moderne aussi. En bonne équilibriste, elle cherche à composer entre l'époque Elisabéthaine et des lignes plus contemporaines.
On se lance rapidement dans la lecture de la pièce, car il est temps de « mettre les mains dans le cambouis ». Une des choses les plus difficiles va être de répartir les rôles. Nous savons que nous allons faire appel à des amateurs. Il faut faire une pré-distribution. Nous aimerions proposer des rôles au plus grand nombre possible. Nous voudrions que certains rôles puissent tourner pour que l'engagement soit moins « lourd » pour les amateurs. On cherche à changer le rapport à la figuration, on a envie de proposer un véritable travail de choeur. Là encore, c'est un numéro de funambule entre les envies, le temps, le budget, l'exigence artistique.
On lit. Chacune une réplique. On parle de la pièce. Julie nous partage ses visions, ses envies. On réagit sur ce qui nous surprend, les questions qu'on se pose. Parfois, un·e membre de l'équipe permanente du Théâtre se joint à nous pour quelques heures. On fait des tableaux compliqués pour essayer d'y voir plus clair. On croise les rôles, le nombre de scènes, on adore les feutres de couleurs, on émet des hypothèses, on débroussaille. On voudrait ne pas dépasser vingt acteurices, amateurices compris.es. On navigue entre des considérations très pratiques et des questions artistiques, des questions de sens, de regard sur le monde. C'est comme une grande marmite dans laquelle on met tous les « quoi », les « comment », les « pourquoi », les « rêves », les « réalités ». On se familiarise avec la langue. Son rythme. Ses couleurs. Sa tonalité. On boit des tisanes pour se réchauffer.
Petit à petit, ça rentre. À force de conversations, on commence à distinguer les contours d'un univers commun. C'est encore flou, incomplet, balbutiant, ça demande d'aiguiser le regard et de plisser les yeux, mais il y a désormais un paysage qui se dessine tranquillement derrière le brouillard.
Du 16 au 21 février
Première rencontre avec les acteurs
Entre jeudi et vendredi, l’équipe est arrivée. Laurent Desponds d’abord - qui sera Polixène - puis Baptiste Relas - futur Léontes - et enfin Laurence Cordier qui jouera Hermione et Perdita. Étaient aussi présents Clémence Delille, scénographe et costumière, Elisa Villatte, son assistante, Elsa Revol, éclairagiste, Pablo Roy, régisseur général et évidemment Julie Delille, metteuse en scène, et puis moi, votre scribouillarde de service…
C’est toujours émouvant les premières lectures, on découvre comment s’accordent voix, sensibilités, énergies… on pose les premiers jalons. On est surpris, on est émus… des intuitions se confirment. À ma grande surprise il y a d’emblée une grande complicité entre les acteurs, on ne croirait pas que cet orchestre n’a jamais été assemblé. Les membres de l’équipe se connaissent tou·te·s, même si tou·te·s n’ont pas déjà travaillé ensemble.
Julie parle du projet de mise en scène dont les contours se précisent… Elle nous parle d’un archipel, peuplé d’îles qui auraient pour noms : l’émerveillement, le conte… Elles sont reliées entre elles par des flux, des courants. C’est à la fois une boussole pour ne pas nous égarer et une carte au trésor qu’il faudra, chacun·e à notre place, déplier et suivre pour construire le spectacle.
On parle de théâtre Elisabéthain - comme le Théâtre du Peuple, c’est un théâtre fait pour s’adresser à toutes les classes sociales. Il y a une véritable portée non pas religieuse mais spirituelle. Les parallèles sont riches, nombreux, inspirants. On lit le texte que Maurice Pottecher a écrit en montant Macbeth.
On lit la pièce, deux fois, puis une troisième devant les membres de l’équipe permanente du théâtre… il y a des traits qui s’affinent, des questions qui affluent. Comment le doute de Léontes se transforme-t-il en certitude ? Quelle est cette colère qui deviendra folie et cruauté ? Polixène est rustre et brutal, notamment avec son fils… Il explose soudain. Qu’est-ce que cela veut dire, d’avoir réuni le rôle de la mère et de la fille, Hermione est Perdita ? L’une se bat pour la dignité, l’autre pour l’amour, est-ce si différent ?
Quand on commence à travailler un texte, j’aime bien imaginer qu’il s’agit finalement d’inventer l’espace où ces mots-là, cette langue-là est naturelle. Quel monde peut héberger cette folle histoire ? Clémence et Élise nous parlent alors du décor. Il est capital de pouvoir facilement différencier les deux mondes : Sicile et Bohème. Pour la Sicile, la plupart des scènes se déroulent dans ou aux abords du palais. Il va s’agir de fondre le décor dans le théâtre. Utiliser cet incroyable vaisseau qu’est le Théâtre du Peuple pour construire le Palais de Léontes. Un décor en trompe-l’oeil pour brouiller la limite entre le théâtre et le décor. Au fur et à mesure de la folie de Léontes, des éléments s’ajouteront, rétrécissant et envahissant l’espace. En Bohème, le monde est tout autre : c’est un paradis champêtre. Les portes, Fagus, l’extérieur… évidemment. Sur scène, il s’agira plutôt de mobilier, d’un buffet… puisqu’il y aura une fête. Clémence raconte les inspirations fournies par l’artisanat alsacien et vosgien, elle cherche à créer une extrême porosité entre l’extérieur et l'intérieur, il faut que la nature déborde sur le plateau. Entre les deux mondes, il y aura eu une tempête qui se jouera en avant scène... on parle de voiles de soie pour remplacer les voiles d’un bateau. Pour le moment, à la lecture de la scène, on souffle dans nos bouches et on agite les feuilles du texte. On fait le vent.
C’est cela aussi le début des répétitions, des petits moyens précaires, tendres et drôles qui nous permettent de plonger dans les ambiances, de rêver ensemble… après tout, il s’agit d’abord et avant tout, de jouer.
Mai
Stage et rencontres-auditions
Le printemps se fait timide, peut-être le Conte d’hiver exerce-t-il quelque influence sur les conditions météorologique. Avec Laurence (actrice professionelle qui jouera Hermione et Perdita), nous menons un stage sur le texte de Shakespeare, revisité par Koltès, avec des amateurices venu·es de la France entière. C’est gai et intense, de se plonger dans cette écriture. Nous avons très vite découvert l’exigence de ce texte, nous nous sommes demandé : comment dire ces mots, comment raconter ensemble cette histoire ? Nous avons voyagé, de la tragédie à la comédie, de Sicile en Bohème, depuis la Popote jusqu’au grand plateau. Entre exercices d’acteurices et travail de scène, cette semaine fut riche en expérience, aussi bien humaine qu’artistique.
Ensuite, il y a eu le week end de rencontres-auditions, où nous avons accueilli 25 particpant·es. L’enjeu pour nous était de partager un véritable moment de théâtre et de rencontre, en éloignant autant que possible la pression qui peut émaner de l’aspect séléctif de l’exercice. Le samedi, nous avons travaillé intensément, par petit groupe... et le dimanche, les scènes travaillées la veille furent jouées sur la grande scène du Théâtre - comme une manière de le réveiller doucement, de faire résonner les mots et les corps dans l’espace, de se rassembler autour de l’oeuvre qui nous porte et nous occupe l’esprit et le cœur depuis plusieurs mois.